Les abus silencieux du monde professionnel: À force de tout donner, que nous reste-t-il ?
- Dorlie Kabieni

- 19 mai
- 4 min de lecture
Nous sommes dans une société où la ligne entre l’abus de pouvoir et la pression liée au travail est tellement mince. Quand on est dans la situation, on veut toujours tout justifier, parfois même en se rejetant la faute : c’est de ma faute, j’ai dû faire mal. Ça commence dans l’enfance. Parfois, un enfant veut forcément plaire à ses parents, les rendre fiers. Et quand on est dans un climat où l’amour a cédé sa place à la performance, les mots qu’on entend sont : c’est bien, c’est pas bien, il faut, tu dois. C’est essentiellement à cela qu’on pense être réduit. Alors, on performe.
Et on se retrouve projeté dans le monde du travail, où seuls les requins ont leur place. Si tu n’as pas compris qu’il faut répondre à la violence par la violence, qu’il faut tout de suite rendre les coups, alors tu te fais bouffer. Tu es diminué.
Au début, tu te dis que tu dois quelque chose à l’organisation qui t’a recruté.e. Puis, tu penses que tu dois quelque chose à la personne qui t’a confié un projet. Tu entres dans ce que j’appelle le cycle de la dette. Et comme toute dette, il faut la rembourser. L’expression anglaise to pay back dit tout.
Alors on donne en retour, parfois sans limite. On y laisse notre dignité. On se vide. On donne notre paix intérieure. On donne de notre chair. On vend notre âme. On se torture. L’angoisse et la peur deviennent nos compagnes.
Et pendant ce temps, on se laisse aspirer comme les Détraqueurs dans Harry Potter. Ils aspirent nos plus beaux souvenirs. Le tableau s’assombrit de notre côté. Pourtant, nous sommes les victimes. Nous sommes les abusé.e.s.
Ces supérieurs, hommes ou femmes, qui ont vécu un mal-être et projettent leur douleur sur autrui, abusent de leur pouvoir pour opprimer, mépriser, contourner les règles, imposer leur volonté. Et ils sont nombreux. Très souvent, ce sont des personnes qui reproduisent un schéma destructeur. Ils veulent que le monde autour d’eux ressente le même malheur qu’eux.
Mais il y a aussi des gens qui le font gratuitement. Des gens simplement happés par le pouvoir, ceux qui abusent simplement parce qu’ils sont dans une situation de supériorité, parce qu’ils aiment dominer, oppresser. Ce ne sont pas toujours des gens au profil qu’on qualifierait de torturés.
Ces abus persistent souvent avec des signaux atypiques. Cela se traduit par des réflexions constantes et ordinaires qui passent souvent inaperçues : ce dénigrement régulier de ton travail, incidieux mais là. Tu le ressens, ta parole est très souvent discréditée, balayée d’un revers de la main. Puis ca devient parfois personnel avec des remarques sur ton physique, ton accoutrement: Et petit à petit, tu perds confiance en toi. Plus le climat toxique s’installe, plus ton corps te parle, t’envoie des messages. Ce sont des symptômes somatiques typiques : maux de ventre, boule au ventre, migraines, perte d’appétit ou, à l’inverse, comportements boulimiques. Oui, ton corps et ton cerveau ne sont plus connectés. Tu n’es plus liée à toi-même, tu es déconnectée de ta force intérieure. Tu doutes désormais de tout. Tu te surprends à faire des erreurs que tu ne ferais jamais en temps normal. Tu t’effaces, tu t’enfonces dans un climat qui, bien que toxique, t’empêche de fuir. Pourtant, tout en toi hurle qu’il faut partir.
On se dit que ce sont ces personnes qui ont des prédispositions qui sont fragiles qui tombent dans ces schemas toxiques comme des petits poissons pris dans un filet. Mais laissez moi vous dire que meme ceux qui ont eu le temps de construire leur confiance en eux, de grandir sainement, et qui essaient parfois de résister… tombent aussi. Parce que, quel que soit notre environnement de vie, notre classe sociale, le mal ne choisit pas qui on est, ni d’où on vient. Il frappe à toutes les portes, prend ce qu’il y a à prendre, absorbe le bonheur.
Que faire pour se préserver de ces situations d’abus ? Déjà, on pense souvent que c’est dans notre tête, que c’est nous qui avons mal vu ou mal interprété cette main au cul qu’on a reçue, que c’était peut-être un accident, ou cette blague sexuelle déplacée… Certes, il y a des gens maladroits, qui ne savent pas faire la part des choses et qui peuvent être fougueux en parlant de leur vie, de leur sexualité, sans tabou. À ces gens-là, il faut leur dire que ça vous gêne, que vous ne souhaitez pas en discuter. Souvent, ça s’arrête. Et si ça ne s’arrête pas, alors là, il y a un problème. Il faut dénoncer.
Donc non, ce n’est pas dans votre tête. Enlevez-vous ça de la tête.
Ensuite, il faut tout de suite faire le point avec des professionnel.les : un.e psychologue, un.e médecin traitant.e, le médecin ou psychologue du travail. Il faut faire le point tout de suite. Certaines thérapies, c’est vrai, ne sont pas adaptées. Il faut peut-être s’orienter vers des thérapies plus concrètes, telles que la TCC, l’EMDR, où on est dans l’action. Et il faut chercher à parler à quelqu’un en qui vous avez confiance dans votre entourrage, une personne ressource.
Faites-vous confiance. Ce que vous ressentez n’est pas anodin. Ce que vous subissez n’est pas rien. Ça peut vous poursuivre toute votre vie. Alors, débarrassez-vous de ça en vous faisant accompagner. Je vous assure que tout ira bien.
Conserver votre poste, sur le moment, ça paraît tellement important, je sais. Ce besoin d’exister à travers quelque chose… C’est comme ça qu’on nous a conditionnés. Crois-moi, tu n’es pas la/le seule à ressentir ça. Moi, je me suis rendue compte — après avoir vécu ce que j’appelais des micro-agressions — que ça m’a marquée à vie. Car j’y pense encore, et parfois je fais des cauchemars.
Mon combat aujourd’hui, c’est de te préserver, que tu puisses t’armer, parler, et lutter. Parce que c’est ensemble qu’on peut. Il faut accepter qu’on porte ce sac à dos à plusieurs, accepter qu’on l’allège. Il est trop lourd, et même si tu penses avoir la force de le porter, tu vas un jour t’essouffler et tomber.
Alors je veux t’aider à alléger ce sac à dos, oui, à le porter un peu, pour que sur la ligne d’arrivée, tu sois victorieuse sur cette longue marche de la vie.
Tu n'es pas seul, ta Working mum sera la pour travailler avec toi.
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