L'adulte n'a pas toujours raison: Se libérer du silence imposé
- Dorlie Kabieni

- 28 mai
- 5 min de lecture
L’adulte a toujours eu raison. Que l’on se place du côté de la religion ou de nombreuses cultures, l’enfant, tout en bas de la hiérarchie, a toujours eu tort aux yeux des adultes. La parole de l’enfant est souvent niée. Beaucoup subissent des abus sans pouvoir en parler, car leur position dans la hiérarchie humaine condamne leur parole. Et en grandissant, cette hiérarchie se perpétue. Le simple fait d’être né après suffit à donner tort à celui ou celle qui est plus jeune.
Quand, enfant, on a vécu des situations d’abus — physiques, verbaux, psychologiques —, quand notre confiance a été érodée par des micro-agressions répétées : "Tu n’es pas belle", "Tu ne vaux rien", "Tu es bonne à rien", ces paroles s’impriment. Même si elles ne sont dites qu’une fois ou deux, elles résonnent longtemps.
Adulte, même quand on a raison, on a parfois du mal à se faire entendre, surtout quand on est encore perçu comme "le petit". J’ai vécu tellement de fois cette situation où un adulte, connu pour sa toxicité, est pourtant celui à qui l’on donne raison face à un enfant.
Même adulte, je me suis retrouvée dans des situations où, face à une personne plus âgée, j’étais automatiquement celle qui devait avoir tort. Quand on est enfant, on pardonne plus facilement. Mais adulte, c’est à soi-même qu’on ne pardonne pas. C’est à soi qu’on en veut, de ne pas avoir su dire non à cet adulte toxique qui nous a empoisonnés.
Nous avons tous connu, dans notre entourage, ces adultes qui, ne sachant pas gérer leur mal-être, le distillent autour d’eux. Ils écrasent les plus jeunes, les plus vulnérables.
Parfois, ce sont des membres de la famille. Parfois, ce sont des amis proches de nos parents, des connaissances de la famille, des figures respectées dans notre cercle.
Et on ne dit rien. Par peur de briser une relation familiale, par peur d’être celui ou celle qui mettrait en danger un équilibre, aussi toxique soit-il. Parce que ces adultes avaient un lien avec un membre de notre famille, et que nous avions peur que ce lien soit fragilisé, c’est nous qui avons gardé le silence. Rien dit, même quand un geste était déplacé, même quand une parole était violente.
Rien dit, pour ne pas être la cause d’un conflit ou d’un éloignement. Car on nous a appris à protéger les apparences, même au prix de notre propre douleur.
Et sans s’en rendre compte, en grandissant, on rejoue les mêmes scénarios. On répète les schémas. On se retrouve dans des relations où nous sommes de nouveau dominé·es, rabaissé·es, manipulé·es. Parce qu’au fond, c’est ce qu’on a connu.
Parce que c’est ce qu’on nous a inculqué.
On confond la douleur avec l’attachement, l’humiliation avec l’amour, le silence avec la loyauté. Et parfois, on met des années à comprendre que ce n’est pas ça, que ça n’a jamais été ça.
Combien sont-ils, ces adultes qui font trembler la terre sous nos pieds pour qu’on chute ?
Oui, tu m’as fait beaucoup de mal. Et c’était gratuit. Parce que tu ne te sentais pas bien dans ta vie. Parce qu’il était plus facile de projeter ton mal-être autour de toi, juste pour avoir l’illusion d’un pouvoir, d’un contrôle.
Je m’en veux plus que je ne t’en veux. Parce que ma part de responsabilité a été de ne pas avoir su dire stop.
Mais aujourd’hui, je fais le choix de me libérer de ce lien toxique. Je fais le choix de te pardonner, non pas pour toi, mais pour moi. Parce que je mérite la paix. Et ce lien, je ne veux plus le porter. Je ne te dois rien. Car si tu m’as donné quelque chose, ce n’était pas un don : c’était un moyen de mieux me contrôler. Et ça, aujourd’hui, je le comprends.
À tous ces adultes qui pensent nous avoir donné quelque chose alors qu’ils nous ont tout pris, ayons le courage de leur dire non.
Fini les abus. Fini les humiliations.
Fini la violence physique et verbale banalisée.
Un adulte peut avoir tort.
Un adulte peut mal faire.
Et c’est important de le dire, de le reconnaître.
Si la parole de l’enfant est souvent niée, sous prétexte qu’un enfant "imagine" ou "exagère", si l’on pense qu’une jeune personne invente pour se plaindre, il est urgent de faire la part des choses. Avant de conclure que c’est "le plus petit" qui a tort, il faut écouter, comprendre, analyser, vérifier.
Ces adultes doivent être confrontés à leurs responsabilités. J’aime bien la métaphore de la prison. Car dans la vie quotidienne, quand un enfant est puni, on l’isole, on l’oblige à réfléchir. Un adulte qui a mal agi doit, lui aussi, être mis à l’écart, prendre le temps de faire sa propre introspection. Et surtout, il doit demander pardon. Pas chercher à se justifier. Car rien ne justifie qu’on fasse du mal gratuitement, quel que soit ce que l’on a vécu, enfant ou adulte.
Apprenons, tous, simplement, à nous respecter.
À nous traiter dignement, peu importe notre âge.
Tous les individus sont égaux en dignité et en droits. C’est ce que rappelle la Convention relative aux droits de l’enfant, adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies, qui affirme dans son article 12 que « l’enfant a le droit d’exprimer librement son opinion sur toute question l’intéressant », et dans son article 19 que les États doivent protéger l’enfant contre « toutes formes de violence, d’atteintes ou de brutalités physiques ou mentales ».
Ce n’est pas seulement une question juridique. C’est une question de justice humaine
Parceque le respect n'a pas d'age,
Chère Dorlie, Petite fille souriante, brillante, et époustouflante,
Ce n’est pas de ta faute si, dans le milieu culturel et l’environnement de vie où tu as évolué, la violence etait banalisée. Ce n’est pas de ta faute s’il n’y avait personne pour te protéger. Tu te construiras avec tes failles, avec tes élans de tristesse, avec tous ces débordements malheureux que tu connaîtras sur ton chemin.
Mais tu t’accrocheras à la vie, parce que ton rêve d’indépendance, tu l’atteindras. Parce que le bon triomphe toujours.
Je suis là. Je te tiens la main. Tu peux me sentir, même dans tes moments de détresse les plus profonds. C’est pour ça que tu souris à la vie — et elle aussi, crois-moi, te sourira. Prends ce que tu peux prendre. Et sache que tu mérites de te pardonner, de te relever, et d’avancer.
La vie est devant toi. Tu as tout à gagner. Ta bonne étoile t’ouvrira les portes de tes rêves les plus profonds. Continue de rêver. Car tu n’as que ça : un rêve à fleur de peau. Et le rêve, c’est déjà tout. C’est gratuit, c’est à toi, et personne ne peut te l’enlever.
J’ai réussi à faire cet exercice de parler à la petite Dorlie. De voyager dans le temps pour la retrouver, pour la rassurer, pour lui dire ce que personne n’a su lui dire. Alors c’est à toi maintenant de le faire. Voyage dans le temps. Parle à la petite fille, à l’adolescente que tu as été — et pourquoi pas à la jeune femme que tu es encore. Dis-lui tout ce dont elle a besoin d’entendre pour qu’elle s’accroche. Rassure-la. Enlace-la.
C’est un exercice difficile, je le sais. Il m’a fallu du temps pour en arriver là. Prends ton temps, et petit à petit, rassemble les mots. Et même si ce n’est qu’une phrase, partage-la. Fais la paix avec toi-même. Pardonne-toi, surtout. Parce que ce n’était pas de ta faute.
Je suis déjà fière de toi. Je crois en toi. Je te fais confiance.
C’est le moment pour toi de te détacher de ces casseroles, d’exister en tant que sujet, de saisir tout ce que la vie t’accorde — et surtout, de le savourer. Tu verras, l’univers t’enverra des signes. Tu comprendras que l’espoir, si infime soit-il, est toujours là. Il se glisse dans les petites choses.
Et moi, tu peux tout me dire, si ça peut te soulager. Je serai toujours là pour toi.
Ta Working mum toujours la pour toi.
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