Et si l’instinct maternel n’était pas ce qu’on croit ?
- Dorlie Kabieni

- 9 mai
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 19 mai
On nous a souvent rabâché que l’instinct maternel était inné, installé en nous comme une évidence, un automatisme qui ferait de nous des mères parfaites dès notre premier souffle de maternité.
Rembobinons un peu.
L’instinct, selon le dictionnaire, c’est : « une disposition naturelle et spontanée, souvent d'origine biologique, qui pousse un individu à accomplir certains actes nécessaires à sa survie ou à celle de son espèce, sans passer par la raison ou l'apprentissage. »Rien dans cette définition ne parle de lien affectif inné. Ce qu’elle décrit, c’est l’instinct de survie, l’instinct de se protéger. Et pourtant, on voudrait nous faire croire que l’instinct maternel, c’est l’amour automatique, le lien parfait, l’élan immédiat.
Mais soyons honnêtes.
Plusieurs d’entre nous n’ont jamais eu d’aisance, ni d’appétence pour les enfants. D’autres femmes n’osent même pas reconnaître la gêne qu’elles peuvent ressentir en leur présence. Ce n’est donc pas toujours inné. Et c’est OK. C’est comme tout : on a toutes et tous quelque chose qui nous met mal à l’aise dans la vie. Pour certaines, ce sont les enfants.
Alors quoi ? On devrait exclure ces femmes de leur propre humanité sous prétexte que ce qui définirait notre essence serait uniquement notre capacité à enfanter et à aimer inconditionnellement ? Descendons un peu de ce piédestal. Il n’y a pas de norme. Il n’y a pas une seule façon d’être mère.
Nous sommes des êtres humains.Des êtres qui ont besoin de se rencontrer, de se connaître, de s’apprivoiser, parfois même de se réparer, avant d’aimer pleinement. Parfois ça ne prend pas tout de suite. Parfois ça ne “marche” pas tout de suite. Alors on cherche, on tâtonne, on se fait aider, on se fait accompagner, et ça aussi, c’est OK.
Et si on disait simplement qu’on rencontre nos enfants, comme on rencontre quelqu’un ?Il y a des coups de foudre, oui — on en a toutes et tous vécu au moins un dans notre vie.Mais il y a aussi des rencontres difficiles. D'autres lentes. D’autres profondes. D’autres qui prennent du temps. Acceptons qu’il y a mille façons de rencontrer son enfant, et mille chemins pour y arriver.
Pour celles, comme moi, qui n’ont pas eu ce “coup de cœur”, ce truc animal et instinctif, sachez que vous n’êtes ni différentes, ni anormales.Vous avez juste un autre chemin.
Ma tante me disait souvent : « L’instinct, c’est quelque chose d’animal. Ça n’a rien à voir avec les sentiments. L’attachement, ça vient. L’instinct, c’est ta façon à toi de protéger ton enfant, contre vents et marées. »
Et vous savez quoi ? Je suis un peu comme un tsunami. Je suis maladroite, avec deux pieds gauches. Quand j’étais enceinte, j’étais persuadée que j’allais tomber dans l’escalier, avec mon fils dans les bras.Et devinez quoi ? C’est arrivé.
Mais je me suis souvenue de ce que ma tante m’avait dit. Ce jour-là, je l’ai rattrapé. Parce que l’instinct, c’est aussi ça : faire tout ce qu’on peut, tout ce qu’on a, pour protéger nos enfants.Parfois on réussit, parfois non. Mais on met tout en œuvre.
Et quand ça ne va pas, il faut accepter l’aide. La chercher. Frapper aux bonnes portes.Commencez par les professionnels de santé. Et si ça ne colle pas, changez. Ce n’est pas vous le problème, parfois c’est juste une question de feeling.Mais ne perdez pas de temps. En cherchant, on finit toujours par trouver. La vie est bien faite, même si, sur le moment, elle nous semble mal foutue.Et même quand vous lâcherez prise, il y aura des signes. Il y a toujours des signes.
Et si vous avez un entourage qui vous porte, qui vous soutient : appuyez-vous dessus.
Vous n’êtes pas la seule à ressentir ce que vous ressentez.Vous n’êtes pas anormales.L’instinct maternel, ce n’est pas l’instinct d’aimer immédiatement. C’est aussi et surtout l’instinct de survivre, de porter la vie, de rebondir, de continuer comme on peut. C’est l’instinct de protéger, de ressentir, de tenir bon, même quand on vacille.
Alors prenez la main qu’on vous tend. Elle est là, quelque part.
Avancez. Tout doucement. Survivez, jour après jour. Et vous verrez : un jour, après la tempête, vous ne réaliserez même pas à quel point ça a été compliqué. Et à quel point vous avez tenu.
Je suis là aussi.Pour vous.
Votre working mum cabossée.
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