Briser le tabou du consentement dans la sexualité pour que la honte change de camps
- Dorlie Kabieni

- 10 mai
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Dernière mise à jour : 11 mai
Ce sujet est tellement crucial qu’il ne faut pas passer à côté. Il faut que les autres générations de femmes sachent, parlent, se protègent et restent fortes. Il nous a fallu du temps pour en arriver là, du temps pour comprendre. Parce qu’on nous a dit que c’était de notre faute. Nous ne devrions pas porter de mini-jupe, et si nous le faisions et qu’on se faisait agresser dans la rue, c’était de notre faute.
Il y a une différence entre se faire apprécier dans la rue, recevoir des compliments respectueux, et se faire agresser. La subtilité est très mince entre les deux. Mais c’est important de dire que le problème n’est pas d’entendre « Madame, vous êtes belle », c’est d’entendre « Tu es bonne à baiser ». Parce que oui, nous ne sommes pas que des objets de plaisir. Et non, ce n’est pas de notre faute si c’est tout ce qu’on vous renvoie, si vous ne pensez qu’avec votre entrejambe.
Je me suis très tôt rendu compte, au lycée, quand mes amies me racontaient leur première fois, qu’il y avait quelque chose qui clochait. Oui, elles étaient en couple depuis longtemps, mais n’étaient pas prêtes pour cette première fois. Ça les amusait de simplement flirter, de se rendre compte qu’elles pouvaient plaire, mais surtout qu’elles pouvaient être dans une relation affective saine avec un homme, sans que tout ne soit lié au sexe.
Ce jour-là, comme un autre, nous étions dans sa chambre, me disait-elle. Comme d’habitude, il y avait des rapprochements. On pouvait s’embrasser, se toucher mutuellement, mais il savait que je n’étais pas prête, que je voulais prendre le temps de me décider, je voulais aller à mon rythme. Alors même que nous jouions, à un moment je me retrouve coincée avec lui au-dessus, qui n’arrête pas de me dire « attends, c’est rien », « attends, c’est rien ». Et ce moment est long et court en même temps.
Puis avec ma naïveté, me dit-elle, je pensais vraiment qu’on en était toujours aux préliminaires. Et après ça, il a fini, il sourit et me dit : « ça y est, tu es une femme ». À ce moment-là, je ne réalise pas ce qui s’est passé. Ce n’est que plus tard, dans ma vie de femme, que je réalise : oui, je n’étais pas consentante. Mais il est quand même allé au bout. Que dire… Nous étions en couple. Cette phase de préliminaires, je l’aimais bien. Je suis confuse. À l’époque, les amies autour racontent leur première fois et je me rends compte que le scénario est identique à quelques nuances près.
Dans ma vie de femme, me dit-elle, le schéma se répète. Je joue à un jeu de séduction avec les hommes. Au début, un flirt, un jeu de séduction, puis une sorte de flou où je ne dis pas oui, mais il est très fougueux, continue. Je dis stop, il entend sans comprendre. Les choses vont très vite et l’acte est consommé. De peur alors de le mettre mal à l’aise, je continue d’être dans le moment.
Lorsque ma copine me raconte tout ça, je me rends compte que c’est elle qui culpabilise, que la honte est de son côté. On a normalisé cette façon de faire, même dans nos couples. On dit non, j’ai pas envie. Et puis il dit : « t’inquiète pas », puis les choses se lancent. Je pense à la chanson d’Angèle. C’est tellement bien caricaturé, cette frontière entre le oui et le non. Oui, certes, si mince, mais pourtant là : non, c’est non.
Ces hommes qui reproduisent ce schéma, ce sont nos enfants avant tout. Nous ne les avons pas éduqués sexuellement à respecter leur partenaire, à entendre et comprendre que non, c’est non. Souvent même, me disait mon amie, après avoir dit non, je culpabilisais tellement que je disais oui. Parce que oui, dans beaucoup de cultures, on nous dit à nous, les femmes, qu’on doit toujours dire oui à son homme, que l’absence de sexualité est un motif de divorce, que c’était de notre faute.
Et si on remettait les choses dans un juste équilibre ? Et que, aussi bien les femmes que les hommes, on commençait par se respecter ? Certaines femmes, n’hésitons pas à le dire, jouent aussi sur ce flou. Pour elles, celles qui harcèlent, parce qu’on est dans une société où on nous dit que c’est l’homme le harceleur, elles en profitent, et jouent avec ce floue en fargilisant notre comabat à nous.
Puisque l’idée ici n’est pas d’accuser les hommes, mais de dénoncer certaines pratiques, qui peuvent très bien être le fait d’hommes, mais aussi de femmes il est donc important d'equilibrer les choses et de parler aussi des femmes harceleuses, oui parfois, nous pouvons aussi etre des harceleuses. Nous pouvons jouer de ce flou. Nous pouvons etre celles qui n’entendent pas le non d’un homme, celles qui refusent d’entendre un non, parce que l’homme est censé toujours dire oui.
Un ami me racontait que, enfant et même ado, il était l’objet de désir de ses cousines, qui voulaient essayer sur lui des choses ici et là. Et comme c’était un garçon, la sexualité meme precoce, était donc « normale », quel que soit l’âge qu’il avait. Les hommes peuvent être aussi réduits à des objets.
L’homme, avec un petit « h », est un animal ? Une bête sexuelle ? Non. C’est non. Qu’on soit du côté des hommes ou des femmes, apprenons à avoir des relations saines. Éduquons nos petits garçons et nos petites filles au respect du non, à une sexualité saine. Parce que ces choses nous poursuivent dans nos vies de femmes, et parfois nous empêchent tout court d’avoir ensuite une sexualité saine, d’être libres et libérées, de s’approprier notre propre désir.
Parce que sur nous, nous portons la honte, la culpabilité, et parfois même le dégoût.
Chère amie, je suis désolée qu’on t’ait volé ce moment si précieux dans la vie d’une femme. Je suis désolée qu’en tant que petit garçon ou adolescent tu aies été l’objet de désir et traité comme une bête sexuelle.
C’est difficile, je sais, de ne pas reproduire le schéma, de se sentir parfois objet. C’est le moment pour toi de penser cette plaie béante, d’être accompagné par un professionnel vers une sexualité épanouie. Ça prend du temps de se réapproprier son corps quand on en a été dépossédé. Ça prend du temps.
Et oui, de pardonner ou de ne pas pardonner c'est un choix qui t’appartient saches-le. Tu n’as rien fait de mal. La confiance en l'autre, la naïveté d'une education que tu n'as pas eu et le manque d’éducation sexuelle expliquent ce qui t'a malheureusement conduit là. Ce n’est pas de ta faute. C’est de la faute de nous, les adultes, qui n’avons pas été responsables, et qui avons fallit à notre devoir.
Pleure. Oui, je sais, ça fait mal. Ça fait un mal de chien. Pleure un bon coup, et sache que tu n’es l’objet de personne. Tu as le droit d’être dans une relation saine. Tu as le droit de ressentir du plaisir, même si pour l’instant tu es coupé·e de ton corps. Un jour, ça viendra. Tu ne te sentiras plus sale, comme si tu portais le voile ou le masque de la honte.
Tu veux que je te dise ? La honte, elle a changé de camp. Tu es belle, forte, importante et séduisante. Tu as le droit de jouer à un jeu de séduction sans forcément qu’on pénètre ton intimité sans ton accord.
C’est dur, hein, de mettre le mot « viol » dessus ? Pourtant, c’en est un. Il a violé ton intime, pris quelque chose sans ton autorisation. C’est dur, je sais. La société te dit que ce n’est pas un viol, tu ne sais pas quoi ressentir, tu penses que c’est de ta faute. Mais non. Il n’avait pas le droit de faire ça. Pénétrer ton corps fragile, te voler ce précieux endroit que, sous les vêtements, on cache et protège… C’est de sa faute, pas la tienne. C’est lui le coupable, pas toi; il aurait du etre jugé et puni.
Tu sais, un professionnel de santé peut t’aider à mieux vivre ta sexualité. Ce sont des sexologues. Ils sont là pour ça.
Oui, pour toi aussi, jeune homme, ça a été dur. On t’a réduit à un objet, te disant que ta première fonction était de baiser comme un cheval. Mais non. Tu es entier, complet, tu es toi : bon, courageux, avec des valeurs. Tu as le droit d’être regardé de façon entière. Reproduire le schéma ne te guérira pas. Te faire accompagner te guidera vers un chemin moins douloureux .
Je suis vraiment désolée que vous ayez vécu ça. Je pleure avec vous. Moi aussi cabossée, je sais ce que c’est d’être violentée. Alors prenons le temps de pleurer, et acceptons de nous faire suivre, pour nous, pas pour eux. C’est le plus beau cadeau qu’on puisse s’offrir.
Je vous aime fort. Votre Woking Mum cabossée avec vous pour toujours
Super article !